mardi 26 avril 2011

"Le Secret de Geri" de Louis Beysson

Titre :     " Le Secret de Geri "
Auteur :    Louis Beysson
Editeur :   Editions Quintes-Feuilles
                 130 pages

Résumé

Victor est un jeune Lyonnais âgé de seize ans lorsque ses parents l’envoient terminer ses études dans un collège de jésuites d’un canton reculé de la Suisse.
Dans cet ancien monastère, niché au milieu des montagnes et des hautes forêts de sapins, Victor y fait une rencontre qui va enflammer son jeune cœur. L’objet de ces débordements romantiques, de ce ravissement qui tient presque lieu de vénération, est un autre garçon, prénommé Geri.
Geri est lui aussi élève dans ce collège, mais sa place y est à part, sa situation nimbée de mystère et de silence. Né d’une illustre famille florentine, orphelin depuis ses premières années, il est arrivé au prieuré très affaibli, de ce même mal qui a endeuillé sa famille. Cette santé fragile le place à l’écart des autres pensionnaires, en fait un être au charme délicat, qui pourrait se briser au moindre accident. C’est cette vulnérabilité, alliée à sa grande beauté et à sa jeunesse, qui fait de Geri un personnage à l’attrait ineffable, que Victor va vouloir, dès les premiers instants, protéger et combler de toute son affection.
Au cours de l’année, Geri et Victor vont nourrir cet amour d’une tendresse particulièrement touchante et devenir dépendants l’un de l’autre. Dans une nature exaltée et à l’abri du reste du monastère, ils vont éprouver l’un pour l’autre un véritable premier amour. Un amour qui marquera à vie les deux héros.
Cependant, une énigme subsiste toujours autour du jeune italien et Victor voudrait la percer à jour afin de comprendre cette langueur, cette tristesse et cet éloignement qui trouble toujours un peu le regard de son bien-aimé.
Malheureusement, combien de temps durera cette union si pure, combien de temps avant qu’elle ne soit menacée par la fatalité du destin ?

Extraits

« Qui n’a connu, dans un premier amour, ces troubles infinis qui s’emparent de l’âme lorsqu’elle vole tout entière auprès de l’objet aimé ? Si Geri levait les yeux vers ma fenêtre, je sentais mes jambes faiblir, mon regard se troubler, comme si quelque esprit du ciel était descendu en moi. Autour de lui rayonnait un charme inexprimable qui éclairait le ciel le plus sombre, me faisait aimer les arbres, la prairie du verger, en transformant merveilleusement tout ce qu’il approchait ; plus je me sentais près de lui, plus un ravissement intime me pénétrait, et, la nuit, lorsque, en entendant le vent mugir au-dehors, appeler et gémir dans les longues galeries, je venais à me souvenir de l’expression charmante de ses traits, à songer qu’il était là, sous le même ciel, abrité par le même toit, rien ne pourrait donner une idée des transports de ma joie. »

« Ô souvenir de cet instant, comme tu remplis mon âme de toutes les délices de l’innocence ! Combien il est doux de contempler le sommeil de l’être aimé ! Penché sur lui, je respirais son souffle brûlant, je regardais ses lèvres que la fièvre agitait, et j’étais tenté d’y déposer un baiser ; mais je demeurais immobile ; une voix semblait me dire : il dort, faible et sans défense, il est sans passions, il est heureux : n’éveille pas les tourments dans son âme, ne ravis point son repos pour l’enchaîner peut-être à ton malheur !
Un tel sacrifice était au-dessus de mes forces. Songeant à l’absence, aux regrets éternels de l’avoir abandonné, je pris sa main et j’y imprimai un long baiser. Sans s’éveiller, il murmura quelques mots que je ne pouvais comprendre ; mais la mélodie de sa voix avait vibré jusqu’au fond de mon cœur, et, l’entourant de mes bras, je l’appelai doucement. Ô premier baiser d’amour, c’est par les lèvres d’un enfant que j’ai goûté ton ineffable douceur ! Jamais je n’oublierai cette heure, lorsque tenant Geri étroitement serré sur mon cœur, le suppliant de ne point m’abandonner, je trouvai dans ses yeux remplis de larmes, plus éloquents que toutes les paroles, la promesse de ne point me quitter, lorsque, détachant une petite croix qui brillait sur son sein, il voulut la suspendre à mon cou comme un lien d’éternel amour !... »

 
Mon commentaire

Le Secret de Geri est le souvenir d’un premier amour, fulgurant, passionné et plein d’innocence, que nous raconte Louis Beysson (jeune auteur de vingt ans au moment de sa publication). Fait exceptionnel, cet ouvrage autobiographique est le premier dans la langue française à aborder (en 1876 tout de même !) le thème d’une passion amoureuse entre deux jeunes hommes. Ce qui est très perturbant, c’est que le texte (originel tout du moins) ne fait que peu de concessions à la bienséance de l’époque. Les liens d’amour entre ces deux garçons sont racontés avec beaucoup de limpidité et d’emportement romantique, de fougue et de pureté également. Rien des sentiments qui animent les deux adolescents n’est caché ou amoindri. La beauté de leur histoire illumine le récit malgré le contexte d’une époque qui réprimandait de telles amitiés particulières. En cela, ce court roman est remarquable et mérite d’être lu, comme un témoignage.
En dehors de ce fait historique, ce court roman n’a que peu d’intérêt. Dieu sait pourtant que j’aime les récits romantiques où les sentiments sont illuminateurs, mis à nu, sans aucune barrière. Mais hélas, bien que certains passages soient très touchants parce que débordants de tendresse juvénile et de lyrisme, le style est un peu surannée, poétique assurément, mais qui s’adapte mal à notre époque, à une lecture moderne.
Les descriptions de ce coin de Suisse perdu dans les sombres forêts de conifères, des pairies fleuries, des sons et des odeurs d’une nature exaltante m’ont assez plu, bien que cela fasse un peu trop bucolique associé à l’effusion de sentiments qui animent Victor, le personnage principal. Je n’ai pas vraiment envie de dire que cela m’a paru mièvre, mais quelque part le récit flirte avec le trop plein de beaux sentiments, le tout dans un cadre idyllique.
Quant à l’intrigue, elle est mince, très mince. J’ai été étonné car je m’attendais à ce que cet amour intense entre les deux jeunes hommes soit contraint par les intransigeances de l’époque sur les mœurs, que cela donnerait du relief au récit qui passerait d’une simple histoire d’amour à quelque chose de plus tourmenté, d’un combat mené pour rester auprès de l’être aimé. Mais ce n’est pas le cas. En outre, le livre se base sur l’existence du secret de Geri, un mystère qui expliquerait la tristesse qui habite le petit italien, mais que personnellement je n’ai pas saisi (et cela m’a frustré).
À l’exception des dernières pages, quand le destin vient à séparer les deux amoureux, le roman file un peu trop droit. Et je ne sais pas pour vous, mais j’aime bien les méandres.

En quelques mots pour terminer, Le Secret de Geri est un beau roman d’amour, avec des passages très exaltés, qui réchauffent le cœur par la pureté et l’intensité des sentiments qu’éprouvent les deux héros, mais qui reste, malgré tout, un peu plat et sans grand enjeux, en dépit du caractère exceptionnel de ce roman pour l’époque.



Note :







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