dimanche 7 novembre 2010

" Cosmétique de l'ennemi " d'Amélie Nothomb

Titre :     " Cosmétique de l'ennemi "
Auteur :    Amélie Nothomb
Editeur :   Editions Albin Michel
                 140 pages


« Cosmétique, l’homme se lissa les cheveux avec le plat de la main. Il fallait qu’il fût présentable afin de rencontrer sa victime dans les règles de l’art. »

Cet homme qui s’apprête à commettre son méfait dès les premières lignes du roman c’est Texel. Textor Texel.
La victime ? Il s’agit de Jérôme Angust, modeste homme d’affaires en partance pour Barcelone et qui vient d’apprendre qu’en raison de problèmes techniques, son avion serait retardé pour une durée indéterminée. Ravalant sa colère et se décidant à patienter dans la salle d’attente, contre mauvaise fortune bon gré, voilà que le fameux Texel vient approcher sa proie.
À cet instant précis, le piège se referme.
Effacez de votre imagination toute scène de crime sanguinaire, de lacérations et autres armes à feu. Non, les coups portés seront bien plus subtiles, pernicieux et pervers.

Au début vous croirez à un simple importun qui vient emmerder un pauvre type déjà sur les nerfs. Vous rirez du malheur de Jérôme Angust qui ne peut mettre fin à l’insistance, la logorrhée… le harcèlement auditif de Texel ! Et puis, le dialogue se filant, vous découvrirez dans quelle spirale infernale les deux protagonistes se sont enfermés. Avec une fin apothéotique !


C’est fâcheux, je ne peux vous en dire plus. Ce serait gâcher les jouissifs effets de surprise dont regorge ce roman.

Alors je vous dirai que je me suis délecté de la lecture de Cosmétique de l’ennemi. Plusieurs raisons à cet enthousiasme. Pour ceux qui ont déjà lu Amélie Nothomb, ils retrouveront son humour et sa plume si singulière, c'est-à-dire des réparties pleines d’aplomb, vives et spirituelles, des bizarreries, de comiques incongruités, des loufoqueries et autres situations cocasses.

Quelques extraits pour vous donner un aperçu :


«_ Quand nous nous sommes retrouvés à l’extérieur du cimetière, rue Rachel, je lui ai demandé comment elle s’appelait. Elle m’a craché au visage. Je lui ai dit que je l’aimais trop pour l’appeler crachat.
_ Vous êtes un romantique. »


«_ Et vous venez m’embêter simplement parce qu’il y a trente ans, vous avez mangé de la bouffe pour chats ? Vous êtes une infection, monsieur. Il y a des médecins pour les gens comme vous.
_ Je ne suis pas venu pour me faire soigner par vous. Je suis venu pour vous rendre malade.
_ Ça vous amuse ?
_ Cela me ravit. »


« Pourquoi irai-je chez un psy quand il y a des aéroports pleins de gens désœuvrés tout disposés à m’écouter ? »


«_ Ce n’est que le premier mort qui compte. C’est l’un des problèmes de la culpabilité en cas d’assassinat : elle n’est pas additionnelle. Il n’est pas considéré comme plus grave d’avoir tué cent personnes que d’en avoir tué une seule. Du coup, quand on en a tué une, on ne voit pas pourquoi on se priverait d’en tuer cent.
_ C’est vrai. Pourquoi limiter ces petits plaisirs de l’existence ?
_ Je vois que vous ne me prenez pas au sérieux. Vous vous moquez. »


« Bon sang, ces gens qui n’ont tué personne sont d’une sensiblerie ! »


Ce roman, qui n'est en fait qu'un long dialogue entre les deux personnages, est une mine d’affirmations culottées ou immorales, mais si bien argumentées que les bras vous en tombent. Dans la bouche de Textor Texel, le mal devient quelque chose de naturel et de constructif, et on se régale de lire les développements de ce détraqué mental. Autant d’assurance et d’aplomb, c’est déconcertant ! En voilà une preuve :


«_ C’est flatteur un viol. Ça prouve qu’on est capable de se mettre hors la loi pour vous.
_ La loi. Vous n’avez que ce mot à la bouche. Vous croyez que cette malheureuse pensait à la loi quand vous … ? Vous mériteriez d’être violé pour comprendre.
_ J’aimerais beaucoup. Hélas, personne ne semble en avoir eu l’envie. »


Mais rassurez-vous, Cosmétique de l’ennemi ne fait pas l’apologie de la cruauté. C’est juste très cynique, très insolite et ... surréaliste.

Ce fût une lecture vive et très agréable, drôle et captivante, dont le suspens et les rebondissements vous tiennent jusqu'à la dernière page. Ce roman ne ressemble en rien à ce que l'on a l'habitude de lire alors laissez-vous tenter par l'expérience !




Note :




1 commentaire:

  1. Lire ta critique et les extraits que tu as choisis est tellement jubilatoire que je meurs d'envie de relire le livre ! Un de ses meilleurs, avec l'humour cynique et implacable de Péplum, Les catilinaires et Hygiène de l'assassin. à en mourir de rire ! Et quel livre ! Quelle plume ! Quelle imagination ! Quelle Amélie Nothomb, en somme !

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